Le budget fédéral 2023 (Budget 2023) repose sur des perspectives fiscales plutôt positives et prévoit que la récession « imminente » sera « modérée ». En décrivant l'état actuel de l'économie canadienne, le Budget 2023 et le discours de la ministre des Finances vantent une reprise « remarquable » après la récession causée par la COVID, la « plus forte croissance économique » parmi les pays du G7, et une reprise de 126 % des emplois perdus au cours des premiers mois de la pandémie, comparativement à 114 % pour nos voisins du Sud. La ministre des Finances met l'accent sur le taux de participation des Canadiennes au marché du travail, soit un niveau record (85,7 %) imputable aux mesures présentées dans le Budget 2021 en matière de services abordables d'apprentissage et de garde des jeunes enfants.

Le Budget prévoit une légère augmentation du ratio de la dette fédérale au PIB au cours de l'exercice 2023-2024 (à 43,2 %) en raison de la croissance légèrement plus faible que prévue du PIB. Après l'exercice 2023-2024, le budget prévoit une diminution progressive de ce ratio.

Le déficit pour l'exercice 2023-2024 devrait s'élever à 40,1 milliards de dollars, et devrait également diminuer en moyenne de 6,5 milliards de dollars par an au cours des quatre prochaines années, pour revenir à 1 % du PIB en 2025-2026.

Dans l'ensemble, le principal message fiscal du Budget 2023 est que « le point d'ancrage fiscal » du gouvernement vise à diminuer progressivement le ratio de la dette fédérale au PIB en ramenant le déficit à 1 % du PIB d'ici l'exercice 2025-2026.

Décrites de façon plus détaillée ci-dessous, les mesures fiscales sont modestes. Les grandes lignes se résument comme suit : 

  • Quelques mesures ciblent les problèmes liés au coût de la vie pour les Canadiennes et les Canadiens à revenus moyens et faibles. Il s'agit notamment d'un remboursement des frais d'épicerie, d'une déduction pour les dépenses liées aux outils des gens de métier, et de modifications modestes du régime enregistré d'épargne-études et du régime enregistré d'épargne-invalidité.
  • Plusieurs crédits d'impôt visent les énergies propres afin de favoriser l'économie verte.
  • Quelques mesures fiscales techniques ciblées comprennent un resserrement des règles régissant les transferts intergénérationnels d'entreprises et un renforcement de la règle générale anti-évitement.
  • Enfin, une ou deux mesures visent à « garantir » que les Canadiennes et les Canadiens les plus riches paient leur juste part. Il s'agit notamment d'un élargissement du régime de l'impôt minimum de remplacement et de nouvelles règles pour mettre en œuvre la taxe sur les rachats d'actions introduite pour la première fois dans l'Énoncé économique de l'automne.

Quiconque prendrait le temps d'en faire le décompte se rendrait compte que le Budget 2023 contient une liste de mesures fiscales déjà annoncées que le gouvernement continuera à mettre en œuvre après de nouvelles consultations et délibérations.  La liste est longue et comprend : les règles du 3 novembre 2022 sur les dépenses excessives d'intérêts et de financement; les propositions législatives du 9 août 2022 traitant, entre autres, des règles relatives aux SPCC en substance, ainsi qu'une myriade d'amendements techniques; les propositions législatives du 29 avril 2022 traitant des dispositifs hybrides; et la Loi de la taxe sur les services numériques du 14 décembre 2021. D'autres amendements techniques visant à améliorer la certitude et l'intégrité du régime fiscal sont à venir.

On dénombre d'autres mesures législatives non fiscales, peut-être plus de 50 au total, et une multitude d'engagements de dépenses qui expriment les thèmes susmentionnés et plusieurs autres, dont les soins de santé et la réconciliation, en grand partie. Ces mesures sont accompagnées d'un rapport quelque peu spéculatif de 130 pages intitulé « Énoncé et rapport sur les répercussions sur le genre, la diversité et la qualité de vie » qui évalue toutes les mesures budgétaires (fiscales ou non) par rapport à des objectifs de diversité. Le large éventail des mesures de dépenses est illustré par les six chapitres :

  • Le chapitre 1, intitulé « Rendre la vie plus abordable et soutenir la classe moyenne », comprend des sous-chapitres intitulés « Sévir contre les frais indésirables » et « Sévir contre les prêts à conditions abusives ».
  • Le chapitre 2 : « Investir dans les soins de santé publics et l'accès à des soins dentaires abordables » rend compte de l'engagement du gouvernement en matière de financement des soins de santé et promet des programmes spécifiques dans le domaine des soins de santé publique qui portent en grande partie sur le traitement des professionnels de la santé et les questions d'accès aux soins.
  • Le chapitre 3 : « Le plan canadien : une énergie abordable, de bons emplois et une économie propre en croissance » décrit les mesures visant à rendre l'économie plus verte. Il semble que le Canada doive s'engager dans la voie du « friend shoring » (limiter le commerce des principaux intrants aux pays dignes de confiance), ainsi que relever les défis posés par la « Inflation Reduction Act » du président Biden.
  • Le chapitre 4, intitulé « Faire progresser la réconciliation et bâtir un Canada qui fonctionne pour tous », contient un engagement aux investissements dans les priorités autochtones, ainsi qu'une longue liste d'engagements en matière de politique environnementale et sociale.
  • Le chapitre 5, intitulé « Le leadership du Canada dans le monde », aborde notamment les dépenses en matière de défense, la protection des communautés de la diaspora contre les ingérences étrangères, le soutien à l'Ukraine et la lutte contre les crimes financiers.
  • Le chapitre 6, intitulé « Un gouvernement efficace et un régime fiscal équitable », traite des mesures fiscales décrites ci-dessus, ainsi que des engagements internationaux du Canada découlant des piliers 1 et 2 du projet BEPS (Base Erosion Profit Shifting) de l'OCDE.

Dans l'ensemble, il s'agit d'un effort modeste qui se concentre presque entièrement sur les dépenses, en privilégiant les soins de santé et les initiatives écologiques, mais qui n'augmente pas les taux et ne propose aucun changement technique majeur en matière de fiscalité. La nécessité d'une restriction budgétaire est très peu reconnue. Tout se résume au point d'ancrage budgétaire, soit ramener le déficit à 1 % du PIB à un moment donné dans l'avenir (2025-26).


Table des matières

  1. Incitations à une économie propre
  2. Actions accréditives et crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques : lithium provenant de saumure
  3. Impôt sur les rachats de capitaux propres
  4. Propositions relatives à la RGAÉ
  5. Transfert intergénérationnel d'entreprise
  6. Introduction des fiducies collectives des employés
  7. Impôt minimum de remplacement
  8. Conventions de retraite et un impôt remboursable « piégé »
  9. Réforme fiscale internationale
  10. Les dividendes inter-sociétés sur les investissements de portefeuille des institutions financières seront imposables
  11. Modifications de la définition de « caisse de crédit »
  12. Mesures visant la TPS/TVH
  13. Mesures relatives aux accises

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Incitations à une économie propre

Le Budget 2023 propose l'introduction de six mesures fiscales ciblées visant la fabrication de technologies propres, l'hydrogène propre, les technologies à zéro émission et les composants de captage et de stockage du carbone, dont un certain nombre ont été annoncées précédemment, notamment dans l'Énoncé économique de l'automne 2022 et le Budget 2022.

Ces mesures visent à aider le Canada à bâtir son économie propre, à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 et à favoriser la création d'emplois bien rémunérés. Elles constituent également une réponse aux mesures d'incitation à la croissance propre de l'Inflation Reduction Act (IRA) des États-Unis, que certains considèrent comme un défi à la capacité du Canada à être compétitif dans les industries qui seront le moteur de l'économie propre du Canada.

Ci-dessous se trouve un résumé des crédits d'impôt pour les technologies propres dans le Budget 2023 :

Crédit d'impôt

Taux d'imposition applicable

Biens acquis et prêts à être mis en service

Date d'élimination progressive

Soumis aux exigences en matière de main-d'œuvre

Crédit d'impôt à l'investissement dans l'hydrogène propre (crédit d'impôt pour l'HP)

15 % - 40 % (remboursable)

28 mars 2023

Élimination progressive à compter de 2034 (réduction à 15 %) et élimination entière pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2034.

Oui

Crédit d'impôt à l'investissement dans les technologies propres - Énergie géothermique (crédit d'impôt pour les technologies propres)

30 % (remboursable)

28 mars 2023

Élimination progressive à compter de 2034 (réduction à 15 %) et élimination entière pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2034.

Oui

Crédit d'impôt à l'investissement dans l'électricité propre (crédit d'impôt pour l'électricité propre)

15 % (remboursable)

Disponible à compter du jour du Budget 2024, pour les projets dont la construction n'était pas amorcée avant le jour du dépôt du Budget 2023

Non disponible après 2034

Oui

Crédit d'impôt à l'investissement dans la fabrication de technologies propres (crédit d'impôt pour la fabrication de technologies propres)

30 % (remboursable)

1er janvier 2024

Élimination progressive à compter de 2032 et élimination entière pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2034.

2032 : 20 %

2033 : 10 %

2034 : 5 %

Non

Crédit d'impôt à l'investissement dans le captage, l'utilisation et le stockage du carbone (crédit d'impôt CUSC)

N/A

1er janvier 2022

Non disponible après 2041

Non

À l'exception du crédit d'impôt CUSC, le budget 2023 ne comprend pas de proposition législative pour les crédits d'impôt pour les technologies propres susmentionnés.

Crédit d'impôt à l'investissement dans l'hydrogène propre

Le crédit d'impôt pour l'HP a été introduit pour la première fois dans le Budget 2022, puis développé dans l'Énoncé économique de l'automne 2022. Une période de consultation a été organisée pour envisager la mise en œuvre de paliers d'intensité carbone afin d'orienter le niveau de soutien – c'est-à-dire le taux du crédit d'impôt – pour ces projets. Le Budget 2023 propose un soutien aux « projets admissibles » qui produisent de l'hydrogène dont l'intensité carbonique (IC) est inférieure à 4 kg. Le soutien va d'un crédit d'impôt remboursable maximal au taux de 40 % du coût d'achat et d'installation de l'« équipement admissible » pour une IC inférieure à 0,75 kg, passant à 25 % pour une IC supérieure ou égale à 0,75 kg, mais inférieure à 2 kg, et à 15 % pour une IC supérieure ou égale à 2 kg, mais inférieure à 4 kg. Le régime canadien est donc plus ou moins conforme aux mesures de la IRA.

La mesure et la vérification de l'IC d'un projet, ainsi que la garantie de la conformité avec le niveau d'IC évalué, sont donc essentielles au régime du crédit d'impôt pour l'HP.

Les « projets admissibles » sont des projets qui produisent la totalité, ou presque, de l'hydrogène dans le cadre de leur processus de production impliquant, pour l'instant, uniquement l'électrolyse ou le gaz naturel (avec émissions réduites à l'aide du captage, de l'utilisation et du stockage du carbone). L'« équipement admissible » comprend l'équipement qui produit de l'hydrogène par électrolyse, si la totalité ou presque de son utilisation est destiné à produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau, et l'équipement qui produit de l'hydrogène à partir de gaz naturel (avec réduction des émissions comme indiqué ci-dessus), mais exclut l'équipement déjà décrit dans la catégorie 57 ou la catégorie 58 du régime de déduction pour amortissement (DPA), qui est plutôt admissible au crédit d'impôt CUSC.

Comme pour l'IRA, le taux de crédit applicable à l'échelon IC évalué est réduit de 10 % si les exigences applicables en matière de main-d'œuvre (voir ci-dessous) ne sont pas respectées.

Crédit d'impôt à l'investissement dans les technologies propres – Énergie géothermique

L'Énoncé économique de l'automne 2022 a introduit le crédit d'impôt pour les technologies propres, égal à 30 % du coût en capital des investissements dans certains biens des catégories 43.1, 43.2 et 56. Les types d'actifs admissibles au crédit d'impôt pour les technologies propres comprennent le matériel utilisé principalement pour produire de l'énergie électrique à partir d'énergie solaire, éolienne et hydraulique, le matériel fixe de stockage de l'électricité, le matériel de chauffage à faibles émissions de carbone et les véhicules industriels non routiers à zéro émission.

Le Budget 2023 propose d'élargir l'admissibilité au crédit d'impôt pour les technologies propres en vue d'inclure les systèmes d'énergie géothermique qui sont admissibles à la catégorie 43.1. Cela comprend les canalisations, les pompes, les échangeurs thermiques, les séparateurs de vapeur et le matériel générateur d'électricité, mais pas le matériel utilisé pour les projets d'énergie géothermique qui produiront conjointement du pétrole, du gaz ou d'autres combustibles fossiles. Le Budget 2023 propose également de modifier le calendrier d'élimination progressive du crédit d'impôt pour les technologies propres annoncé dans l'Énoncé économique de l'automne 2022, de sorte que le taux de crédit demeurerait à 30 % pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service en 2032 et en 2033 et serait réduit à 15 % en 2034. Le taux du crédit d'impôt pour les technologies propres est également réduit de 10 % (à 20 %) si les exigences en matière de main-d'œuvre (voir ci-dessous) ne sont pas satisfaites.

Crédit d'impôt à l'investissement pour l'électricité propre 

Le Budget 2023 propose d'introduire un crédit d'impôt remboursable pour l'électricité propre de 15 % pour les investissements admissibles dans :

  • Les systèmes de production d'électricité sans émissions, de sources éoliennes, solaires concentrées, solaires photovoltaïques, hydroélectriques (y compris à grande échelle), marémotrices et nucléaires (y compris les réacteurs modulaires à petite ou grande échelle);
  • La production d'électricité au gaz naturel réduite (qui serait soumise à un seuil d'intensité des émissions compatibles à un réseau carboneutre d'ici 2035);
  • Les systèmes fixes de stockage de l'électricité exploités sans combustibles fossiles, comme les batteries, le stockage d'énergie hydroélectrique par pompage et le stockage d'air comprimé;
  • L'équipement pour le transport de l'électricité entre les provinces et les territoires.

Les nouveaux projets et les projets de rénovation des installations existantes seront admissibles.

Les entités imposables et non imposables (par exemple, les sociétés d'État et les services publics d'électricité, les sociétés appartenant à des communautés autochtones et les caisses de retraite) seraient admissibles au crédit d'impôt pour l'électricité propre.

Le crédit d'impôt pour l'électricité propre pourrait être demandé en plus du crédit d'impôt à l'investissement dans la région de l'Atlantique, mais généralement pas avec un autre crédit d'impôt à l'investissement.

Les exigences en matière de main-d'œuvre mentionnées ci-dessous doivent également être satisfaites pour pouvoir bénéficier de l'intégralité du crédit d'impôt pour l'énergie propre. Sinon, le crédit sera réduit de 10 %. Pour avoir droit au crédit d'impôt dans chaque province et territoire, il faudra satisfaire à d'autres exigences. Une autorité compétente devra notamment s'engager à voir à ce que le financement fédéral soit utilisé pour réduire le montant des factures d'électricité, et à se doter d'un secteur de l'électricité carboneutre d'ici 2035.

Crédit d'impôt à l'investissement pour la fabrication de technologies propres

Le Budget 2023 instaure également le nouveau crédit d'impôt à l'investissement remboursable pour la fabrication et la transformation de technologies propres, ainsi que pour l'extraction et la transformation de minéraux critiques, à hauteur de 30 % du coût en capital de certains biens amortissables qui sont utilisés en totalité ou presque pour des activités admissibles. Les biens admissibles comprennent les machines et le matériel, y compris certains véhicules industriels, ainsi que les systèmes de contrôle connexes.

Les activités admissibles comprennent :

  • La fabrication de certains matériaux liés à l'énergie renouvelable (solaire, éolienne, hydraulique ou géothermique);
  • La fabrication de matériel lié à l'énergie nucléaire;
  • La transformation ou le recyclage de combustibles nucléaires et de l'eau lourde;
  • La fabrication de barres de combustible nucléaire;
  • La fabrication de matériel de stockage de l'énergie électrique utilisé pour fournir du stockage à l'échelle du réseau ou d'autres services auxiliaires;
  • La fabrication de matériel pour les systèmes de thermopompe à air et de pompe géothermique;
  • La fabrication de véhicules à zéro émission, y compris la conversion de véhicules routiers;
  • La fabrication de batteries, de piles à combustible, de systèmes de recharge et de postes de ravitaillement en hydrogène pour les véhicules à zéro émission;
  • La fabrication de matériel utilisé pour produire de l'hydrogène par électrolyse;
  • La fabrication ou la transformation de composants en amont, de sous-ensembles et de matériaux, à condition que la production soit conçue à une fin particulière ou exclusivement pour faire partie intégrante d'autres activités de fabrication ou de transformation de technologies propres admissibles, comme les matériaux anodiques et cathodiques utilisés pour les batteries de véhicules électriques

Les activités admissibles comprendraient également les activités d'extraction et certaines activités de transformation liées à six minéraux critiques qui sont indispensables aux chaînes d'approvisionnement des technologies propres : le lithium, le cobalt, le nickel, le graphite, le cuivre et les éléments des terres rares. Il pourrait s'agir d'activités avant et après le stade du métal primaire ou son équivalent. Cette inclusion montre que le gouvernement se concentre sur ces minéraux critiques et fait écho au champ d'application du Crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques introduit dans le Budget 2022.

Les règles sur l'intégrité fiscale s'appliqueraient pour recouvrer une partie du crédit d'impôt pour la fabrication de technologies propres si les biens admissibles sont assujettis à un changement d'usage ou vendus dans un certain délai. Contrairement au crédit d'impôt pour la production manufacturière avancée (« Advanced Manufacturing Production Tax Credit ») disponible aux États-Unis en vertu de la section 45X de l'IRA, le crédit d'impôt pour la fabrication de technologies propres n'est pas soumis à des niveaux de production, mais plutôt à l'achat du matériel en question.

Crédit d'impôt à l'investissement pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone

En réponse aux présentations reçues lors des consultations publiques, le Budget 2023 propose des détails supplémentaires de conception du crédit d'impôt à l'investissement pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone (CUSC) introduit pour la première fois dans le Budget 2022, mais dont les détails complets seront publiés ultérieurement.

Les changements proposés sont les suivants :

  • Rendre admissible au crédit d'impôt CUSC l'équipement à double usage pour la production de chaleur et ou de l'électricité ou qui utilise de l'eau, et qui sert au captage, à l'utilisation et au stockage du carbone ainsi que pour un autre procédé, et traiter l'équipement utilisé comme de l'équipement de captage, à condition que l'on s'attende à ce que le solde énergétique soit principalement utilisé (c.-à-d. plus de 50 %) pour soutenir le procédé CUSC ou la production d'hydrogène admissible au crédit d'impôt à l'investissement pour l'hydrogène propre;
  • Ajouter la Colombie-Britannique à la liste des administrations admissibles pour le stockage géologique dédié, applicable aux dépenses engagées à compter du 1er janvier 2022;
  • Ne plus exiger qu'Environnement et Changement climatique Canada approuve le processus d'utilisation et de stockage du CO2 dans le béton pour que le stockage soit considéré comme une utilisation admissible. Au lieu de cela, un membre d'un organisme accrédité peut délivrer une déclaration de validation selon laquelle le processus de stockage du CO2 dans le béton répond à l'exigence minimale de minéralisation de 60 %; et
  • Introduire des règles spécifiques concernant le calcul des crédits d'impôt en ce qui concerne les frais de remise en état admissibles et le recouvrement des CII.

Exigences en matière de main-d'œuvre liées à certains crédits d'impôt à l'investissement

Le crédit d'impôt à l'investissement pour l'hydrogène propre, le crédit d'impôt pour l'investissement dans l'électricité propre et le crédit d'impôt pour les technologies propres (avec des exceptions) sont soumis à certaines « exigences en matière de main-d'œuvre » concernant les salaires et les possibilités d'apprentissage. Le gouvernement a également annoncé son intention d'appliquer des exigences en matière de main-d'œuvre au crédit d'impôt CUSC. Dans chaque cas, le non-respect des exigences en matière de main-d'œuvre entraîne une réduction de 10 % du taux du crédit d'impôt.

Les exigences en matière de main-d'œuvre ne s'appliquent qu'aux travailleurs, c'est-à-dire aux employés ou au personnel engagé par un entrepreneur ou un sous-traitant, qui travaillent dans des éléments de projet subventionnés par le crédit d'impôt à l'investissement en question et dont les tâches sont principalement de nature manuelle ou physique. Les exigences en matière de main-d'œuvre ne s'appliquent pas aux travailleurs dont les tâches sont principalement administratives, de bureau, de supervision ou de direction. En outre, les acquisitions de véhicules à émission zéro et les acquisitions et installations de matériel de chauffage à faible émission de carbone sont exemptées des exigences en matière de main-d'œuvre aux fins du crédit d'impôt pour les technologies propres.

Les deux principaux volets des exigences en matière de main-d'œuvre sont les suivants :

  • Salaire en vigueur : Pour satisfaire à l'exigence salariale, un contribuable doit s'assurer que les travailleurs couverts sont rémunérés à un niveau qui atteint ou dépasse le salaire en vigueur, plus la valeur monétaire substantiellement similaire des prestations et des cotisations de retraite (convertie en un format de salaire horaire). Cette exigence peut être remplie par un contribuable hors du Québec qui paie les travailleurs couverts conformément à une « convention collective admissible » basée sur les « normes de l'industrie », et qui correspond le mieux aux tâches et au lieu de travail des travailleurs. Au Québec, la référence est une « convention admissible » négociée conformément à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction pour le niveau d'expérience, le type de travail et la région qui correspondent le mieux au travailleur concerné.
  • Apprentissage : Pour satisfaire à l'obligation d'apprentissage, le contribuable doit veiller à ce que, au cours d'une année donnée, au moins 10 % du total des heures de travail effectuées par les travailleurs engagés dans des éléments de projet subventionnés et dont les tâches correspondent à celles d'un compagnon dans un métier désigné Sceau rouge soient des « apprentis inscrits ». Toutefois, le contribuable doit également veiller à ce qu'à aucun moment le nombre d'apprentis travaillant ne soit supérieur à celui autorisé par les lois du travail ou la convention collective en vigueur.

Si un contribuable n'a pas respecté les exigences en matière de travail, le Budget 2023 indique qu'il peut choisir de verser une rémunération corrective aux travailleurs (y compris les intérêts) et des pénalités au receveur général et être ainsi réputé avoir satisfait aux exigences; toutefois, les détails complets de ce mécanisme ne sont pas fournis. Le Budget 2023 indique que le gouvernement consultera les syndicats et d'autres parties prenantes pour affiner ces exigences en matière de travail dans les mois à venir, de sorte que des changements sont possibles.

Interactions avec d'autres crédits d'impôt fédéraux

Si un bien donné est admissible à plus d'un des crédits d'impôt à l'investissement en hydrogène propre, crédit d'impôt CUSC, crédit d'impôt pour les technologies propres, crédit d'impôt à l'investissement pour l'électricité propre, ou crédit d'impôt pour la fabrication des technologies propres (collectivement, les CII pour les technologies propres), les contribuables ne pourront demander qu'un seul des CII pour les technologies propres à l'égard de ce bien donné. Toutefois, un contribuable peut demander plusieurs CII pour les technologies propres pour différents types de biens admissibles utilisés dans un même projet. Notamment, le crédit d'impôt à l'investissement dans la région de l'Atlantique n'est pas affecté par le crédit d'impôt pour les technologies propres. En particulier, le crédit d'impôt pour les technologies propres ne réduirait pas le coût du bien utilisé pour déterminer le montant du crédit d'impôt à l'investissement dans la région de l'Atlantique.

Taux d'imposition réduits pour les fabricants de technologies à zéro émission

Le Budget 2023 élargit les activités admissibles aux taux d'imposition réduits pour les fabricants de technologies à zéro émission afin d'inclure certaines activités de fabrication et de traitement nucléaires, en particulier :

  • la fabrication de matériel lié à l'énergie nucléaire;
  • la transformation ou le recyclage de combustibles nucléaires et d'eau lourde; et
  • la fabrication de barres de combustible nucléaire.

Le gouvernement a introduit dans le Budget 2021 une mesure temporaire visant à réduire de 50 % les taux d'imposition sur le revenu des sociétés pour les revenus admissibles provenant de la fabrication et de la transformation de technologies à zéro émission pour les fabricants de technologies à zéro émission admissibles.

Cet élargissement des activités admissibles s'appliquerait aux années d'imposition commençant après 2023. Le Budget 2023 prolonge également de trois ans la disponibilité de ces taux réduits. Par conséquent, les taux d'imposition réduits pour les fabricants de technologies à zéro émission devraient être progressivement éliminés à partir des années d'imposition commençant en 2032 et entièrement éliminés pour les années d'imposition commençant après 2034.

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Actions accréditives et crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques : lithium provenant de saumure

Actions accréditives

Les actions accréditives sont un mécanisme de financement incitatif sur le plan fiscal pour les investissements dans certaines activités minières et d'exploration. En règle générale, une action accréditive est une action d'une société exploitant une entreprise principale (SEEP) émise en vertu d'une convention entre un investisseur et la SEEP, selon lequel cette dernière accepte d'engager, dans les 24 mois suivant la date de la convention, des « frais d'exploration au Canada » (FEC) ou des « frais d'aménagement au Canada » (FAC), d'un montant au moins égal à la contrepartie reçue pour l'action. La SEEP s'engage également à renoncer à ces FEC ou FAC en faveur de l'investisseur dans les délais prescrits. L'investisseur peut alors déduire les FEC ou les FAC dans le calcul de son propre revenu.

Dans le contexte minier, les FEC et les FAC se rapportent généralement à certaines dépenses engagées pour la prospection, la mise en valeur et la production de « ressources minérales ». Une ressource minérale est définie dans la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada (LIR) comme comprenant des gisements minéraux spécifiquement énumérés ainsi que tout gisement minéral que le ministre des Ressources naturelles a certifié comme étant un minéral industriel contenu dans un gisement non lité. Le lithium n'est pas un gisement minéral énuméré et l'Agence du revenu du Canada (ARC) a, dans un passé récent (voir le document de l'ARC n° 2020-0858761E5), déclaré que le lithium provenant de saumure ne serait probablement pas contenu dans un « gisement non lité » et ne pourrait donc généralement pas être certifié en tant que ressource minérale par le ministre des Ressources naturelles. Par conséquent, les dépenses engagées pour l'exploration, la mise en valeur ou la production de lithium provenant de saumure ne seraient probablement pas admissibles à titre de FEC ou de FAC.

Le Budget 2023 propose de modifier la LIR afin d'inclure expressément le lithium provenant de saumure comme ressource minérale, de sorte que les sociétés exploitant une entreprise principale qui entreprennent certaines activités d'exploration et de mise en valeur du lithium provenant de saumure puissent émettre des actions accréditives à des investisseurs de même que renoncer à des dépenses admissibles en faveur de ces derniers. Les dépenses admissibles liées au lithium provenant de saumure engagées après la date du budget seraient donc considérées comme des FEC et des FAC.

Crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques

Le crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques (CIEMC) a été introduit dans le Budget 2022 pour encourager l'investissement dans les technologies propres. Les sociétés minières qui sont des SEEP peuvent renoncer à certaines dépenses d'exploration primaire en tant que frais d'exploration au Canada (FEC) en faveur d'un investisseur en actions accréditives, dont la totalité peut être déduite par l'investisseur pour l'année d'imposition au cours de laquelle ces frais sont transférés. Les investisseurs qui sont des particuliers peuvent également demander le CIEMC correspondant à 30 % de ces dépenses engagées au Canada pour des « minéraux critiques », à condition qu'un « ingénieur ou géoscientifique professionnel qualifié » (tel que défini dans LIR) certifie que les dépenses doivent être engagées conformément à un plan d'exploration qui vise principalement des minéraux critiques. La définition actuelle de minéraux critiques dans la LIR comprend une liste de minéraux spécifiques, dont le lithium.

Le Budget 2023 propose également d'élargir l'admissibilité au CIEMC au lithium provenant de saumure, applicable aux conventions d'actions accréditives conclues après le jour du Budget et avant avril 2027.

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Impôt sur les rachats de capitaux propres

Le Budget 2023 détaille la conception et la mise en œuvre de la taxe proposée de 2 % sur les rachats d'actions par les sociétés publiques au Canada. Cette mesure, qui a déjà été annoncée dans l'Énoncé économique de 2022, est similaire à une mesure récente introduite aux États-Unis dans le cadre de l'IRA, qui comprenait une taxe de 1 % sur la valeur marchande des actions nettes des sociétés publiques qui sont rachetées, à partir de 2023 (règles américaines).

Entités assujetties à la taxe

Le Budget 2023 prévoit que l'impôt s'appliquerait aux sociétés résidant au Canada dont les actions sont inscrites à la cote d'une bourse de valeurs désignée (à l'exclusion des sociétés de placement à capital variable), ainsi qu'aux fiducies de placement immobilier (FPI), aux fiducies intermédiaires de placement déterminées (FIPD) et aux sociétés de personnes intermédiaires de placement déterminées, dans la mesure où leurs unités sont inscrites à la cote d'une bourse de valeurs désignée. En outre, les entités cotées en bourse qui seraient des fiducies ou des sociétés de personnes (EIPD) si leurs biens étaient situés au Canada seraient également assujetties à cet impôt.

Calcul de l'impôt

En règle générale, l'impôt est égal à 2 % de la valeur nette des capitaux propres rachetés par l'entité au cours d'une année d'imposition (c'est-à-dire la juste valeur marchande des capitaux propres de l'entité qui sont rachetés moins la juste valeur marchande des capitaux propres qui sont émis). Cette « règle de compensation » s'applique sur une base annuelle en fonction de l'année d'imposition de l'entité, et s'appliquera aux rachats et aux émissions de capitaux propres qui ont lieu à partir du 1er janvier 2024.

Des exceptions à la taxe sont prévues pour les transactions qui impliquent ce qui suit :

  • l'émission et l'annulation d'actions présentant des caractéristiques de type dette (par exemple, des actions et des parts ayant un dividende fixe et un droit de rachat); et
  • l'émission et l'annulation d'actions ou d'unités dans le cadre de certaines réorganisations d'entreprises, y compris certains échanges d'actions, fusions et liquidations.

Règle de minimis

Une règle de minimis est prévue lorsqu'une entité rachète moins d'un million de dollars de capitaux propres au cours d'une année d'imposition (calculé au prorata pour les années d'imposition courtes), calculé selon la valeur brute.

Acquisition par des sociétés affiliées

Les règles proposées prévoient que l'acquisition de capitaux propres par certaines sociétés affiliées d'une entité serait réputée avoir été un rachat de capitaux propres par l'entité elle-même. Cette règle s'applique également à une acquisition par une personne non affiliée si l'un des principaux objectifs des opérations, ou de la série d'opérations, est d'éviter la taxe. Des exceptions à cette règle de présomption sont prévues pour faciliter certains accords de rémunération fondés sur des capitaux propres et les acquisitions effectuées par des courtiers en valeurs mobilières inscrits dans le cours normal de leurs affaires.

Les règles américaines ont déjà introduit une règle générale de « financement » qui pourrait considérer qu'une société affiliée américaine d'une société publique canadienne est assujettie à l'impôt américain si la société affiliée américaine finance « par quelque moyen que ce soit » l'acquisition ou le rachat des actions de la société publique canadienne. Ainsi, les rachats d'actions de sociétés publiques canadiennes financés par leurs filiales américaines pourraient être assujettis à la fois à l'impôt américain de 1 % et à l'impôt canadien proposé de 2 %.

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Propositions relatives à la RGAÉ

Le Budget 2023 a fourni des propositions plus tangibles pour les modifications à la règle générale anti-évitement (RGAÉ). Prenant apparemment en compte les commentaires des parties prenantes, les propositions comprennent l'ajout d'un préambule pour tenter de résoudre les problèmes d'interprétation, l'abaissement du seuil permettant de conclure à une opération d'évitement, l'adoption d'une forme d'aspect de substance économique pour l'exception « abus ou mauvaise utilisation », l'ajout d'une pénalité et la prolongation de la période normale de réévaluation.

Préambule de la RGAÉ

Le préambule proposé porterait sur trois points.

  • Premièrement, il affirmerait que même si les contribuables peuvent organiser leurs affaires de manière à obtenir les avantages fiscaux voulus par le Parlement, ils ne peuvent pas utiliser les règles de manière abusive pour obtenir des avantages imprévus. Bien que cette proposition semble évidente, elle établit une fausse dichotomie : la planification fiscale ne se résume pas aux avantages voulus par le Parlement, d'une part, et à l'évitement abusif, d'autre part. En outre, cette proposition va à l'encontre du principe bien établi selon lequel les contribuables peuvent organiser leurs affaires comme ils l'entendent pour minimiser leur responsabilité : le fait que le Parlement ait spécifiquement voulu un résultat ou non n'a aucune importance.
  • Deuxièmement, le préambule affirmerait que le principe d'équité, souvent cité dans les recours fiscaux comme un principe favorable au contribuable, devrait être interprété au sens large comme l'équité envers tous les contribuables qui supportent supposément le fardeau de l'évasion fiscale d'une poignée de contribuables. Les références à l'équité dans la jurisprudence sont plus ou moins vides de sens, et cet aspect du préambule proposé l'est probablement aussi.
  • Troisièmement, le préambule affirmerait que la RGAÉ est destinée à s'appliquer, qu'une stratégie fiscale ait été prévisible ou non, un concept qui pourrait vraisemblablement rejoindre les commentaires exprimés dans l'affaire Lehigh Cement, 2010 CAF 124.

Chacun des principes proposés dans le préambule semble être un effort pour légiférer sur les valeurs, ce qui reflète un certain degré d'optimisme de la part du ministère des Finances.

Opération d'évitement

Le Budget 2023 propose d'abaisser le seuil à partir duquel un tribunal peut conclure à l'existence d'une opération d'évitement.

L'article 245(3) de la LIR est actuellement fondé sur un critère de l'objet principal, selon lequel une opération ne constitue pas une opération d'évitement s'il est raisonnable de considérer qu'elle a été entreprise ou organisée principalement pour des objets véritables autres que l'obtention d'un avantage fiscal.

Le Budget 2023 propose un critère de l'« un des objets principaux » qui constitue un seuil moins élevé selon les critères de l'ARC. Ce seuil peut être atteint lorsqu'une opération comporte plusieurs objets d'importance variable. Essentiellement, des objets suffisamment importants peuvent être décrits comme un « objet principal ». Donc, si la réalisation d'économies d'impôt constitue un objet important, même s'il ne s'agit pas de l'objet principal d'une opération ou d'un arrangement, un tribunal pourra conclure à l'existence d'une opération d'évitement en vertu de la modification proposée.

Substance économique

L'élément central des modifications proposées à la RGAÉ est l'inclusion d'une forme quelconque d'analyse de la substance économique. Malheureusement, ni le document de consultation sur la RGAÉ d'août 2022[1] ni le Budget 2023 n'ont de définition raisonnable de la substance économique, ce qui est surprenant, compte tenu de la portée et de l'effet potentiels d'une modification de la RGAÉ qui inclurait une analyse de la substance économique.

Le Budget 2023 affirme que la substance économique, quoi que ce terme puisse signifier, serait examinée à l'étape de l'abus d'une analyse de la RGAÉ. Le Budget 2023 prévoit que la substance économique peut ou non indiquer l'existence d'un évitement fiscal abusif : il faudra tout de même effectuer une analyse de l'objet et de l'esprit des dispositions ou du régime législatif pertinents afin de cerner la politique sous-jacente ayant soi-disant été contrecarrée. La substance économique semble donc être une règle d'interprétation. S'il est établi qu'une opération satisfait aux exigences en matière de substance économique, on procéderait à l'analyse habituelle relative à l'abus. Si des indices révèlent un manque de substance économique, celle-ci devient alors un facteur à prendre en considération dans l'analyse relative à l'abus. Toutefois, lorsqu'un plan fiscal respecte « l'objet et l'esprit » du cadre législatif concerné, il n'y a pas lieu de conclure à un évitement fiscal abusif, et ce, même en cas de manque de substance économique. Difficile de comprendre exactement ce qui est proposé, mais il se pourrait que l'analyse de la substance économique serve à trancher dans les cas où il est trop difficile de déterminer s'il y a lieu ou non de conclure à l'abus (ce qui risque de modifier légèrement les règles du jeu, sachant qu'actuellement, le bénéfice du doute revient au contribuable lorsque l'on ne peut pas clairement déterminer l'existence d'un évitement fiscal abusif).

N'ayant pas défini ce qu'on entend par « substance économique », le Budget 2023 propose quelques indications quant au manque de substance économique, mais souligne toutefois que différents facteurs (non précisés) peuvent s'avérer pertinents selon le cas, ce qui n'a rien de particulièrement rassurant. Dans la mesure où la RGAÉ injecte déjà une certaine incertitude quant à la planification fiscale, ces propositions nébuleuses menacent de transformer la RGAÉ en une absurdité. Le Budget 2023 donne un exemple d'opération qui manque potentiellement de substance économique, mais qui serait acceptable, à savoir le transfert de fonds d'un compte imposable à un CÉLI. Cette opération est acceptable parce qu'elle utiliserait un avantage fiscal que le Parlement a expressément examiné et approuvé par voie législative. Il reste à se demander quel sort sera réservé à une opération n'ayant pas été spécifiquement prise en compte dans la loi et qui n'a pas l'ineffable substance économique, mais ne va pas à l'encontre d'une politique discernable.  

Enfin, le Budget 2023 précise que d'un point de vue législatif, les modifications proposées ne porteraient pas atteinte à la doctrine bien établie de la prééminence de la substance sur la forme, et qu'elles n'exigeraient pas systématiquement la tenue d'une analyse sur la substance économique d'une opération. En revanche, la substance économique constituerait plutôt un élément à prendre en compte pour déterminer s'il y a eu évitement fiscal abusif.

Pénalité

Le Budget 2023 propose l'introduction d'une pénalité équivalant à 25 % du montant de l'avantage fiscal pour les opérations assujetties à la RGAÉ. Lorsque l'avantage fiscal constitue un attribut progressif qui n'a pas été déployé, le montant de l'avantage fiscal serait nul (et par conséquent, le montant de la pénalité le serait également). En outre, la pénalité serait non applicable dans les cas où un contribuable a divulgué l'opération en question à l'ARC, soit dans le cadre des règles de divulgation obligatoire proposées, soit volontairement. Abstraction faite de l'étrange suggestion selon laquelle une opération non visée par les règles de divulgation obligatoire pourrait être divulguée « volontairement », il est intéressant de constater que le ministère des Finances cherche à établir un lien plus étroit entre la RGAÉ et les règles de divulgation obligatoire proposées, comme si ces dernières n'étaient pas déjà suffisamment onéreuses.

S'il n'est pas surprenant que le ministère des Finances souhaite accroître le profil de risque associé aux stratégies fiscales abusives, certaines critiques raisonnables peuvent néanmoins être formulées à cet égard. La RGAÉ se situe à la limite extérieure de la règle de droit et s'applique de façon à ajuster les conséquences fiscales d'une opération qui est, en principe, conforme aux dispositions spécifiques de la LIR. On peut avancer qu'il n'est pas approprié qu'une opération conforme à la loi, mais qui heurte les sensibilités de l'ARC, entraîne des sanctions financières pour le contribuable. D'un point de vue critique, on pourrait se demander si le gouvernement serait prêt à indemniser les contribuables qui parviennent à obtenir gain de cause dans le cadre d'un appel visant la RGAÉ, ou si une autocotisation erronée effectuée par un contribuable en vertu de la RGAÉ est catégoriquement différente d'une nouvelle cotisation erronée effectuée par l'ARC en vertu de la RGAÉ.

Prolongation de la période de nouvelle cotisation

Enfin, le Budget 2023 propose que le délai de prescription dont l'ARC dispose pour établir une nouvelle cotisation soit prolongé de trois ans relativement aux cotisations liées à la RGAÉ, sauf si l'opération visée a été divulguée à l'ARC à l'initiative du contribuable. Cette prolongation vise à prendre en compte le fait que certaines transactions sont complexes et difficiles à détecter. Le délai entre l'adoption d'une stratégie fiscale et la réalisation d'une nouvelle cotisation (et l'apport d'une modification législative, si cela est nécessaire) peut s'étirer sur plusieurs années, ce qui peut s'avérer très coûteux, d'où la volonté du ministère des Finances d'encourager davantage la divulgation anticipée des opérations potentiellement abusives.

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Transfert intergénérationnel d'entreprise

L'article 84.1 de la LIR constitue une disposition anti-évitement visant le « dépouillement de surplus » (c'est-à-dire des opérations dans le cadre desquelles un actionnaire « extrait » l'excédent de la société en tant que gain en capital, plutôt qu'en tant que dividende). Le dépouillement de surplus est un mécanisme intéressant, dans la mesure où le taux des gains en capital peut être inférieur de plus de 15 % au taux des dividendes. D'où la pertinence de l'article 84.1.

Sans l'article 84.1, un actionnaire pourrait transférer sa participation de 100 % dans une société (la « société assujettie ») à une société cessionnaire en échange d'un billet à ordre, réalisant ainsi un gain en capital, puis faire en sorte que la société assujettie verse un dividende intersociétés exonéré d'impôt à la société cessionnaire, qui rembourserait alors le billet. De cette façon, le surplus dans la société assujettie aura été extrait au taux des gains en capital. L'article 84.1 empêche ce résultat en considérant, dans certains cas, le billet à ordre comme un dividende.

Avant le 29 juin 2021, de nombreuses personnes pensaient que l'application de l'article 84.1 empêchait certains contribuables (les propriétaires de petites entreprises, d'entreprises agricoles et d'entreprises de pêche) de transférer leur entreprise à la prochaine génération. Lorsqu'un parent cherchait à transférer des actions d'une petite entreprise admissible (actions d'une « PEA ») (ou des actions du capital d'une société agricole ou de pêche familiale – actions d'une « SAPF ») à ses enfants en utilisant la structure décrite ci-dessus, l'article 84.1 requalifiait le gain en capital résultant du transfert en dividende. De plus, dans cet exemple, en raison de l'exemption des gains en capital disponible à l'égard des gains sur des actions d'une PEA et les actions d'une SAPF, le taux des gains en capital (relativement au montant du gain admissible à l'exemption) est de zéro. Une vente par le parent à une société sans lien de dépendance aurait été admissible à l'exemption des gains en capital, alors que la vente des mêmes actions à son enfant aurait été imposée au taux des dividendes.

Le projet de loi C-208, adopté le 29 juin 2021, visait notamment à résoudre de telles problématiques en prévoyant une exception à l'article 84.1 en cas de transfert intergénérationnel d'actions d'une PEA ou d'actions d'une SAPF. La principale condition de cette exception est que le cédant soit le parent ou le grand-parent de l'actionnaire ou des actionnaires qui contrôlent la société cessionnaire. Cette mesure législative a été déposée sous la forme d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Très peu de temps après l'adoption de la loi, le ministère des Finances a publié une déclaration exprimant son inquiétude quant à l'insuffisance des mesures de protection prévues par celle-ci, suggérant qu'elle pourrait être exploitée en vue de faciliter un dépouillement de surplus inapproprié.

Le Budget 2023 propose d'apporter des modifications attendues depuis longtemps aux dispositions du projet de loi C-208 afin de garantir que l'exception à l'article 84.1 des dispositions du projet de loi 208 ne s'applique que lorsqu'un véritable transfert intergénérationnel d'entreprise a lieu. Plus précisément, le transfert doit porter sur une action d'une PEA ou une action d'une SAPF et la société qui achète ces actions doit être contrôlée par « une ou plusieurs personnes dont chacune est un enfant adulte de l'auteur du transfert » et à ces fins, la définition du terme « enfant »  comprendrait les petits-enfants, les enfants du conjoint, les conjoints des enfants, les nièces et neveux, et les petites-nièces et petits-neveux ainsi que les conjoints des petites-nièces et petits-neveux. 

Les contribuables disposent désormais des deux options de transfert suivantes : (i) un transfert d'entreprise intergénérationnel immédiat fondé sur des conditions de vente sans lien de dépendance (le critère de trois ans); ou (ii) un transfert d'entreprise intergénérationnel progressif (le critère de cinq à dix ans). Chacune des options est applicable sous réserve du respect de certaines conditions, mais les délais et conditions à respecter peuvent différer en fonction de l'option choisie.

Transfert d'entreprise intergénérationnel immédiat (critère de trois ans)

  • Contrôle : Le parent doit transférer le contrôle de droit et le contrôle de fait à l'enfant. Ce critère exige la réalisation d'un transfert immédiat de la majorité des actions avec droit de vote, le solde ce celles-ci devant être transféré dans un délai de 36 mois.
  • Intérêts économiques : Le parent doit immédiatement transférer la majorité des actions ordinaires et transférer le solde de ces actions dans un délai de 36 mois.
  • Gestion : Le parent doit transférer la gestion de l'entreprise à l'enfant dans un délai raisonnable en fonction des circonstances particulières, avec un délai de sûreté de 36 mois.
  • L'enfant conserve le contrôle : L'enfant conserve le contrôle de droit pendant une période de 36 mois suivant le transfert d'actions.
  • L'enfant travaille dans l'entreprise : Au moins un enfant doit participer activement au sein de l'entreprise pendant une période de 36 mois suivant le transfert d'actions.

Transfert progressif (critère de cinq à dix ans)

  • Contrôle : Le parent doit transférer le contrôle de droit (pas le contrôle de fait) à l'enfant. Ce critère exige la réalisation d'un transfert immédiat de la majorité des actions avec droit de vote, le solde ce celles-ci devant être transféré dans un délai de 36 mois.
  • Intérêts économiques : Le parent doit immédiatement transférer la majorité des actions ordinaires et transférer le solde de ces actions dans un délai de 36 mois. En outre, dans les 10 ans suivant la vente initiale, les parents doivent réduire la valeur économique de leur dette et/ou de leurs participations dans l'entreprise à 50 % de la valeur de leur intérêt dans une SAPF au moment de la vente initiale, ou à 30 % de la valeur de leur intérêt dans une PEA au moment de la vente initiale.
  • Gestion : Le parent doit transférer la gestion de l'entreprise à l'enfant dans un délai raisonnable en fonction des circonstances particulières, avec un délai de sûreté de 36 mois.
  • L'enfant conserve le contrôle : L'enfant conserve le contrôle pendant la période la plus élevée entre 60 mois ou jusqu'à ce que le transfert de l'entreprise soit achevé.
  • L'enfant travaille dans l'entreprise : Au moins un enfant doit participer activement au sein de l'entreprise pendant la période la plus élevée entre 60 mois ou jusqu'à ce que le transfert de l'entreprise soit achevé.

Dans les deux cas, un choix sera effectué conjointement et les enfants seront conjointement et solidairement responsables de tout impôt supplémentaire payable par le parent dans le cas où l'article 84.1 s'appliquerait.

En outre, des dispositions d'exonération peuvent s'appliquer advenant le décès ou l'invalidité d'un enfant suite à la cession des actions lorsqu'a lieu une vente subséquente sans lien de dépendance.

En plus de ce qui précède, lorsque les critères de l'une des options de transfert énoncées ci-dessus sont remplis, s'appliqueront également :

  • une provision pour gains en capital de dix ans; et
  • une prolongation de trois ans quant au délai de prescription pour l'établissement d'une cotisation à l'égard d'un contribuable concernant l'obligation fiscale qui pourrait survenir en raison du transfert pour un transfert d'entreprise immédiat, et de dix ans pour un transfert d'entreprise progressif.

Les mesures s'appliqueraient aux opérations effectuées à compter du 1er janvier 2024.

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Introduction des fiducies collectives des employés

Le Budget 2023 propose l'introduction d'un nouveau véhicule : les fiducies collectives des employés (FCE). Les FCE permettent de faciliter le « transfert d'entreprise admissible » quant à l'actionnariat de certaines « entreprises admissibles » à une fiducie au profit des employés. Les règles relatives aux FCE visent à faciliter l'actionnariat des employés tout en fournissant aux propriétaires d'entreprise une nouvelle option en matière de planification de la relève. La date prévue pour l'entrée en vigueur des nouvelles règles est le 1erjanvier 2024.

Entreprise admissible

La définition d'« entreprise admissible » reflète la définition actuelle du terme « société exploitant une petite entreprise », c'est-à-dire une société privée sous contrôle canadien (SPCC) dont la totalité ou la quasi-totalité de la juste valeur marchande de ses actifs est attribuable à des actifs utilisés principalement dans une entreprise activement exploitée principalement au Canada par la société ou par une société qu'elle contrôle (critère des « 90 pour cent »). 

Transfert d'entreprise admissible

On définit « transfert d'entreprise admissible » comme la cession par un contribuable (l'ancien propriétaire [ou les anciens propriétaires] des actions de l'entreprise admissible) à une FCE (ou à une SPCC contrôlée et détenue à 100 % par la FCE), lorsque (i) immédiatement avant la cession, le critère des « 90 pour cent » a été respecté, (ii) le contribuable n'a pas de lien de dépendance avec la FCE (ni avec toute société acheteuse intermédiaire), et (iii) le contribuable ne conserve aucun droit ni aucune influence qui lui permettraient de contrôler la société ou la FCE (ou toute société acheteuse intermédiaire) de façon directe ou indirecte.

Qualification à titre de FCE

La FCE doit être une fiducie résidant au Canada dont les objectifs se limitent à (i) détenir des actions d'une entreprise admissible au profit des employés bénéficiaires, et (ii) effectuer des paiements audits bénéficiaires, les distinctions entre les salariés bénéficiaires n'étant autorisées que sur la base de la durée de service d'un employé, de sa rémunération et du nombre d'heures travaillées. La FCE doit détenir une participation majoritaire dans l'entreprise admissible et la totalité ou la quasi-totalité des actifs de la FCE doit être constituée des actions d'une ou de plusieurs entreprises admissibles. Les personnes ayant détenu des participations importantes dans l'entreprise admissible avant le transfert à la fiducie sont exclues en tant que bénéficiaires potentiels. La FCE n'est pas autorisée à distribuer des actions de l'entreprise admissible aux employés bénéficiaires.

Afin de faciliter le transfert d'entreprise admissible, le Budget 2023 propose de modifier le mécanisme de la LIR visant la provision pour gains en capital en le faisant passer de cinq ans à dix ans pour les transferts d'entreprises admissibles. Les propriétaires d'entreprises qui cèdent des actions à une FCE disposeraient ainsi d'un report potentiel plus long ainsi que de la possibilité d'accéder à des taux progressifs sur un plus grand nombre d'années. En outre, les règles proposent d'exempter une FCE des règles relatives aux prêts d'actionnaires contenues dans la LIR pendant une période de 15 ans, afin de permettre à la FCE d'emprunter auprès de l'entreprise admissible pour effectuer l'achat sans avoir à comptabiliser le prêt en tant que revenu.

La FCE serait une fiducie imposable, de sorte que les dividendes reçus par la fiducie qui ne sont pas distribués aux employés bénéficiaires au cours de l'année seraient imposables au taux marginal le plus élevé. Les dividendes distribués aux employés bénéficiaires réduiraient le revenu imposable de la fiducie et donneraient droit au crédit d'impôt pour dividendes. En outre, la FCE serait exemptée de la règle selon laquelle une fiducie est réputée céder ses actifs tous les 21 ans.

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Impôt minimum de remplacement

Dans la foulée des promesses de l'année dernière, le Budget 2023 propose certains changements aux dispositions actuelles de l'impôt minimum de remplacement (IMR) dont l'objectif déclaré est d'assurer l'équité du régime fiscal canadien et de « faire en sorte que les Canadiennes et les Canadiens les plus riches paient leur juste part ». Le Budget 2023 souligne que 80 % des recettes supplémentaires découlant de ces réformes proviendront des contribuables qui gagnent plus de 1 million de dollars, et 99 % des recettes supplémentaires proviendront des contribuables qui gagnent plus de 300 000 $.

Qu'est-ce que l'IMR?

L'IMR est entré en vigueur en 1986 pour corriger l'inéquité perçue du régime fiscal canadien. L'IMR est dû lorsqu'un contribuable a un certain montant de revenu brut, mais peu ou pas d'impôt à payer en raison de déductions, de crédits et d'autres exemptions. L'IMR peut survenir, par exemple, lorsqu'un contribuable reçoit des dividendes canadiens (en particulier des dividendes admissibles), réalise des gains en capital, se prévaut de l'exonération cumulative des gains en capital, déduit des frais d'intérêt ou des frais financiers, fait des dons de titres cotés en bourse, bénéficie de déductions liées aux abris fiscaux, et/ou fait des dons d'options d'achat d'actions ou bénéficie de la déduction pour options d'achat d'actions accordées aux employés.

Les contribuables canadiens doivent calculer leur charge fiscale à l'aide de deux méthodes distinctes de calcul de l'impôt : la méthode courante et la méthode de l'IMR, qui rajuste le revenu imposable en limitant l'utilisation de certains avantages et incitatifs fiscaux. Ce « revenu imposable modifié » est ensuite réduit du montant d'une exemption (pour exclure les contribuables à faible revenu), multiplié par le taux d'imposition applicable et, enfin, certains crédits d'impôt non remboursables sont déduits afin de déterminer le montant de l'IMR. Si ce montant est supérieur à l'impôt net fédéral payable calculé selon la méthode courante, l'IMR serait l'impôt fédéral exigible pour l'année. L'IMR provincial s'applique également et varie d'une province à l'autre.

L'IMR peut être considéré comme un paiement anticipé de l'impôt ou un acompte fiscal, dans la mesure où l'IMR peut être reporté et déduit des impôts (à l'exception de l'impôt sur le revenu fractionné) payables au cours des années suivantes du moment que l'impôt de la partie I de l'année dépasse l'IMR du contribuable pour l'année en question. Toutefois, l'IMR devient un coût fiscal réel dans la mesure où l'IMR ne peut pas être entièrement utilisé au cours de la période de report de sept ans (ou si le contribuable décède au cours de cette période). Lorsqu'un contribuable dispose d'autres revenus imposables d'un montant suffisant (y compris le salaire qui est pleinement imposable), l'obligation d'IMR pourraitêtre compensée.

Modifications proposées pour élargir l'assiette de l'IMR

Le Budget 2023 propose un certain nombre de changements à l'IMR, qui augmentent l'exemption de l'IMR, élargissent l'assiette fiscale de l'IMR et augmentent le taux de l'IMR. Ces propositions, qui entreront en vigueur en 2024, sont les suivantes :

  • L'exonération de base de l'IMR passera de 40 000 $ à la borne inférieure de la quatrième tranche d'imposition fédérale (qui devrait être ajustée en fonction de l'inflation pour atteindre 173 000 $ en 2024). Il est peu probable que cette modification ait un impact significatif, étant donné que la grande majorité des contribuables se situant dans les tranches de revenus exclues ne sont pas actuellement assujettis à l'IMR.
  • Le taux d'imposition de l'IMR passera de 15 % à 20,5 %, atteignant ainsi une nouvelle tranche d'imposition.
  • Le taux d'inclusion des gains en capital de l'IMR augmenteront de 80 % à 100 % (comparativement à une inclusion de 50 % en vertu du régime régulier).
  • Le gouvernement propose d'inclure à l'assiette de l'IMR 30 % des gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse. Cette inclusion de 30 % s'appliquerait également à l'avantage total associé aux options d'achat d'actions accordées aux employés dans la mesure où une déduction peut être demandée parce que les titres sous-jacents sont des titres cotés en bourse qui ont fait l'objet d'un don à un organisme de charité. Selon le régime normal, la plus-value accumulée sur les dons de titres cotés en bourse est totalement exonérée d'impôt (une règle similaire s'applique au don de titres reçus lors de l'exercice d'options d'achat d'actions accordé aux employés).
  • L'intégralité de l'avantage lié à l'exercice des options d'achat d'actions accordées aux employés sera incluse dans l'assiette de l'IMR.
  • La moitié d'une longue liste de déductions sera refusée. C'est l'inclusion, entre autres,  des frais de garde d'enfants, des intérêts et des frais financiers encourus pour gagner des revenus fonciers, des pertes de sociétés en commandite d'autres années et des reports de pertes autres qu'en capital, qui revêt le plus grand intérêt pour les particuliers à revenu élevé visés par les propositions.
  • Seulement 50 % des crédits d'impôt non remboursables peuvent être appliqués sur l'IMR (sous réserve de quelques exceptions), ce qui peut s'opposer au régime actuel dans lequel la plupart des crédits d'impôt non remboursables peuvent être accordés.
  • Toutefois, aucune modification ne sera apportée au traitement des dividendes canadiens, pour lesquels la valeur en espèces (plutôt que la valeur majorée) est incluse, et le crédit d'impôt sur les dividendes est totalement exclu.

Éléments à retenir

Bien que ces mesures mettent des bâtons dans les roues des particuliers à revenu élevé désireux de réduire leurs revenus à l'aide d'avantages et d'incitatifs fiscaux, leur planification et approche devraient rester relativement inchangées, car les contribuables et leurs conseillers adopteront bon nombre des mêmes stratégies pour limiter leur assujettissement à l'IMR et s'assurer que l'IMR puisse être récupéré au cours de la période subséquente de sept ans. Cela dit, beaucoup de particuliers pourraient être déçus, pour des raisons financières et de principe, par la proposition limitant l'exonération totale de l'impôt sur les gains en capital pour les dons de titres publics. Le point le plus intéressant est que les propositions sont présentées indépendamment d'un certain nombre d'autres mesures importantes qui étaient anticipées mais finalement non incluses au  Budget 2023 : une augmentation générale du taux d'inclusion des gains en capital à 75 %, des mesures ciblées contre les transactions de surplus de sociétés privées, et une augmentation de 2 % du taux d'imposition le plus élevé.

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Conventions de retraite et un impôt remboursable « piégé »

Le Budget 2023 propose de remédier à une anomalie relative aux CR qui étaient financées au moyen d'une lettre de crédit plutôt qu'en espèces. Dans de tels cas, l'impôt remboursable associé à la CR serait calculé en fonction des frais payés par l'employeur qui parraine la CR à l'émetteur de la lettre de crédit. Lorsque les prestations de retraite deviennent payables dans le cadre de la convention, l'employeur paie généralement les prestations à partir de ses propres liquidités, de sorte qu'aucune prestation de retraite n'est payée par la fiducie de la CR, ce qui a pour effet qu'il n'existe aucune méthode de récupération de l'impôt remboursable payé à la CR lors de l'émission ou du renouvellement de la lettre de crédit. Cet impôt remboursable était essentiellement « piégé ». Le Budget 2023 propose que les frais payés pour obtenir ou renouveler une lettre de crédit (ou un cautionnement) pour une CR complémentaire à un régime de pension agréé ne soient pas assujettis à l'impôt remboursable. Cette exemption s'appliquerait aux frais payés à compter de la date du budget. De plus, le budget prévoit un mécanisme permettant aux employeurs qui parrainent une CR de demander un remboursement d'impôts remboursables déjà versés quant aux frais payés pour des lettres de crédit (ou aux cautionnements) en fonction des prestations de retraite qui sont versées à partir des revenus de l'employeur. Ce changement s'appliquerait aux prestations de retraite payées après 2023.

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Réforme fiscale internationale

Le budget 2023 réaffirme l'intention du gouvernement du Canada de mettre en œuvre le plan à deux piliers visant la réforme fiscale internationale convenue par les membres du Cadre inclusif sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (le Cadre inclusif) de l'OCDE/Groupe des 20 (G20) en octobre 2021.

Le Pilier Un garantit que les plus grandes et les plus rentables entreprises multinationales (EMN) paient l'impôt sur le revenu en fonction du lieu où se trouvent leurs utilisateurs et leurs clients.

Le Pilier Deux introduit un taux effectif d'imposition de 15 % sur les bénéfices des grandes EMN, quel que soit le lieu où ces bénéfices ont été réalisés.

La Règle d'inclusion du revenu (RDIR) permettra à la juridiction de l'entité mère ultime d'une entreprise multinationale d'imposer à cette entité un impôt supplémentaire sur les revenus provenant des activités de l'EMN dans toute juridiction où le taux effectif d'imposition est inférieur à 15 %. Toutefois, si la juridiction de la société mère ultime d'une EMN n'a pas mis en œuvre la RDIR, la Règle relative aux profits insuffisamment imposés (RPII) permettra aux juridictions dans lesquelles l'EMN exerce ses activités d'imposer l'impôt supplémentaire aux entités du groupe situées dans leur juridiction, l'impôt supplémentaire étant réparti entre ces juridictions selon une formule.

Dates d'entrée en vigueur

En voyant les dates des prochaines étapes de mise en œuvre annoncées dans le Budget 2023, tout porte à croire que l'une des réformes fiscales mondiales les plus importantes depuis des décennies est imminente.

Le gouvernement du Canada travaille avec ses partenaires internationaux et l'OCDE pour établir ce nouveau cadre fiscal multilatéral. Toutefois, si la convention multilatérale visant à mettre en œuvre le Pilier Un n'entre pas en vigueur d'ici le 1er janvier 2024, le gouvernement du Canada est prêt à imposer la Taxe sur les services numériques (TSN), payable à partir de 2024 à l'égard des revenus gagnés à compter du 1er janvier 2022. Des propositions législatives pour la TSN ont été publiées en décembre 2021.

Le Budget 2023 confirme l'intention du gouvernement du Canada de publier des propositions législatives préliminaires pour mettre en œuvre la RDIR et un impôt supplémentaire minimum national pour consultation publique dans les mois à venir. Les propositions législatives préliminaires pour la RPII suivront. La législation s'appliquerait aux entités canadiennes d'EMN relevant du Pilier Deux, en vigueur pour les exercices fiscaux des EMN débutant le 31 décembre 2023 ou après. Le gouvernement du Canada compte mettre en œuvre la RPII pour les exercices financiers commençant le 31 décembre 2024 ou après.

Le gouvernement du Canada a annoncé son intention de partager avec les provinces et les territoires une partie des recettes résultant de cette réforme fiscale internationale.

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Les dividendes inter-sociétés sur les investissements de portefeuille des institutions financières seront imposables

Le Budget 2023 propose d'éliminer la déduction des dividendes reçus par des institutions financières sur les actions et autres « biens évalués à la valeur du marché » des institutions financières. Cette mesure s'appliquerait aux dividendes reçus après 2023.

Dans la plupart des cas, les sociétés résidant au Canada peuvent déduire le montant des dividendes reçus d'autres sociétés résidant au Canada, de sorte que les dividendes versés par une société canadienne à une autre ne donnent pas lieu à plusieurs niveaux d'imposition des sociétés. Cela est conforme à ce qui a été, au moins historiquement, une politique d'intégration des sociétés dans le régime fiscal canadien. Toutefois, la LIR distingue depuis longtemps certaines actions (et biens similaires) détenues par des institutions financières dans le cadre de leurs activités ordinaires (c'est-à-dire leurs activités de financement). Il s'agit notamment des « biens évalués à la valeur du marché », tels que définis au paragraphe 142.2 de la LIR, qui comprennent les actions d'une société dans laquelle une institution financière ne détient pas au moins 10 % des droits de vote et de la valeur. Les institutions financières sont tenues d'évaluer ces participations à la valeur du marché et, par conséquent, de réaliser des gains et des pertes d'une année sur l'autre plutôt que de les réaliser uniquement lors d'une cession. En outre, ces gains sont considérés comme des revenus qui ne bénéficient pas du taux d'inclusion inférieur dont bénéficient les autres contribuables pour les gains en capital.

Éliminer la déduction pour dividendes reçus sur les actions et autres biens évalués à la valeur du marché des institutions financières semble être une action cohérente avec le régime actuel d'évaluation à la valeur du marché et empêche les dividendes inter-sociétés exonérés d'impôt de réduire la valeur, et donc l'impôt, qui pourrait autrement être exigible. Toutefois, cette mesure réduit encore le niveau d'intégration des sociétés dans le régime fiscal canadien.

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Modifications de la définition de « caisse de crédit »

Le Budget 2023 propose de modifier la définition de « caisse de crédit » aux fins de la LIR et de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), en supprimant le critère actuel quant au revenu, afin de mieux refléter l'évolution des caisses de crédit.

Le critère actuel quant au revenu qui fait partie de la définition exige que « la totalité ou la quasi-totalité » (90 % ou plus selon l'ARC) des revenus de l'entité soit dérivée de ce qui constitue effectivement des activités de prêt. Alors que les caisses de crédit ont évolué de manière à proposer une offre de services plus large (par exemple, des conseils en matière d'investissement et de planification financière), il se peut qu'elles ne satisfassent pas à ce critère quant au revenu.

Aucun projet de loi concernant la définition modifiée n'a été publié. Le Budget 2023 indique que les modifications devraient entrer en vigueur rétroactivement pour les années d'imposition se terminant après 2016, soit il y a déjà plus de six ans. Toutefois, tant que le projet de loi n'est pas publié, les caisses de crédit et les contribuables qui pourraient être considérés des caisses de crédit resteront dans l'incertitude, même si la mesure est présentée comme un allégement en soi.

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Mesures visant la TPS/TVH

Traitement des cartes de paiement

Dans une décision rendue en 2021, la Cour d'appel fédérale a accueilli un appel, concluant que certains services de VISA fournis à la CIBC étaient exonérés de la TPS/TVH en tant que « service financier » en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (Canada) (LTA). Le Budget 2023 propose de modifier la définition de « service financier » dans la LTA afin d'exclure de la définition les services de compensation relatifs aux cartes de paiement rendus par un exploitant de réseau de cartes de paiement, ce qui fera en sorte que ces services continuent d'être assujettis à la TPS/TVH.

Cette mesure s'appliquera à moins que la contrepartie du service de compensation par carte de paiement ne soit arrivé à échéance ou n'ait été payée sans arriver à échéance avant le 28 mars 2023 et que l'exploitant du réseau de cartes de paiement n'ait pas facturé, perçu ou versé de TPS/TVH relativement au service de compensation par carte de paiement, ni relativement à toute autre fourniture effectuée aux termes d'une convention qui comprenait un service de compensation par carte de paiement.

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Mesures relatives aux accises

Plafonnement temporaire des droits sur l'alcool

Depuis le Budget 2017, les droits sur la bière, les spiritueux et le vin sont automatiquement indexés en fonction de l'Indice des prix à la consommation (IPC) en vertu de la Loi sur l'accise et de la Loi de 2001 sur l'accise. Le Budget 2023 plafonne l'ajustement automatique de l'inflation à 2 % pour un an à partir du 1er avril 2023. Le projet de loi ne modifie que la période d'un an, de sorte qu'il ne s'appliquera pas aux années suivantes sans autre modification.

Périodes de déclaration des producteurs de cannabis

Dans le Budget 2022, il a été proposé que les producteurs de cannabis qui avaient versé moins d'un million de dollars en droits d'accise au cours des quatre trimestres d'exercice précédents aient le droit de verser les droits d'accise sur une base trimestrielle plutôt que mensuelle. Le Budget 2023 propose de permettre à tous les producteurs de cannabis de verser les droits d'accise sur une base trimestrielle, à compter du trimestre débutant le 1er avril 2023.


Cette analyse a été préparée par les membres de notre groupe de droit fiscal :

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Comptant plus de 30 professionnels du droit fiscal au Canada, le groupe Droit fiscal de Gowling WLG est reconnu par les publications Chambers Global et International Tax Review à titre de chef de file en fiscalité, prix de transfert, planification fiscale, impôt indirect et réglement de différends fiscaux.